L’épistémologie narrative est une approche critique qui s’inscrit dans les sciences de l’information et de la communication. Développée par Carole Lipsyc, elle est la méthode utilisée dans La dérive du réel et dans Quand dire, c’est faire la guerre.
L’épistémologie narrative aborde la cognition en tant que traitement de l’information et l’information en tant que texte. Elle apporte un cadre et une méthode pour analyser les dispositifs symboliques que nous utilisons pour accueillir les faits bruts (le réel), et pour les transformer en représentations que nos systèmes cognitifs sont capables de gérer (la réalité).
Cette représentation, la réalité, est donc vue comme une fiction entre nous et le réel – une mimèsis. Et les dispositifs symboliques qui nous permettent de transformer le réel en réalité sont, quant à eux, considérés comme des systèmes narratifs et linguistiques génératifs – ou storyworlds.
Pour l’épistémologie narrative, la réalité est ainsi le produit de nos storyworlds, le résultat de leur actualisation.
L’épistémologie narrative repose sur quatre principes fondamentaux :
- le principe narratif : les storyworlds sont notre médiation au réel ;
- le principe de l’écoumène : les médias sont devenus notre nouvel écoumène, lequel est composé d’une infrastructure physique et logicielle (le médianumérique) et d’une matrice spectaculaire immersive (le Storyworld) ;
- le principe de la représentation : dans le Storyworld nous existons et nous interagissons comme des personnages dans un état de représentation ;
- le principe du texte : tous les storyworlds, y compris le Storyworld, sont du texte ou peuvent être traités comme tels. Dans le Storyworld, nous sommes du texte.
L’épistémologie narrative est une discipline engagée qui lutte contre deux crises : la crise de la représentation et la crise de la signifiance. La crise de la représentation désigne le trouble cognitif qui consiste à écraser la distance entre le réel et la représentation, nous rendant plus enclins à projeter nos mythologies sur le réel qu’à les réviser en fonction des faits bruts. La crise de la signifiance consiste à transformer le langage en code, et les mots en signaux.
À propos des storyworlds et du Storyworld
« Un » storyworld est un univers narratif auquel nous prêtons foi le temps d’un livre, d’un spectacle, d’un jeu ou le temps d’une vie. Certains storyworlds ont le pouvoir de dicter nos modes de vie et nos décisions. Ils sont « performatifs ». Avec l’avènement du médianumérique, les storyworlds ont trouvé une matière pour s’incarner. Ils sont devenus« le » Storyworld. Dans le Storyworld, faits réels et faits fictifs cohabitent selon la même modalité, sans traits distinctifs.